« Les Bobos à la ferme, c’est une réaction à tout ce que nous n’avons pas eu pour notre fille »

Comment est né le projet Les Bobos à la ferme ?

Nous vivions à Paris quand est née notre fille Andréa en 2015. Après de nombreux séjours à l’hôpital, les médecins lui ont diagnostiqué une maladie neurodégénérative très rare. Je n’ai pas pu reprendre mon travail et Louis, mon conjoint, a dû lui aussi quitter le sien pour faire face à la situation. Quand les médecins nous ont annoncé que le pronostic vital d’Andréa était engagé, il était inenvisageable pour nous de continuer notre vie parisienne. En octobre 2016, nous avons trouvé une ferme en ruines, à la Madelaine-sous-Montreuil, sur la côte d’Opale, à quelques kilomètres du Touquet. Dans la région, tout le monde la connaissait mais personne n’avait voulu l’acheter vu l’ampleur des travaux. Nous nous sommes lancés dans ce projet sans réfléchir, avec l’énergie du désespoir. Nous avons tout fait nous-mêmes, d’abord pour rénover la longère principale, dans laquelle nous vivons aujourd’hui, puis pour créer le premier gîte, classé trois étoiles et labellisé Tourisme et Handicap. Nos vies à l’époque étaient à peu près dans le même état que cette ferme, nous nous sommes reconstruits en même temps qu’elle !

Comment est venue l’idée de proposer des séjours de répit pour les parents aidants ?    

Nous avons entendu pour la première fois parler des aidants lors de la journée nationale des aidants en octobre 2016. Après une année à l’hôpital, personne n’avait jamais prononcé ce mot devant nous… Nous avons alors découvert qu’il existait un droit au répit, mais aussi, hélas, que le répit n’était possible que dans des accueils temporaires où l’on devait laisser son enfant. De plus, aucune structure ne pouvait accueillir Andréa du fait de son âge et de la gravité de son handicap. Nous avons alors décidé de proposer des séjours de répit. Nous avons tenté notre chance à un concours et nous avons gagné le 1er prix, une dotation de 7 500 €. Cela a propulsé notre projet : la presse s’est intéressée à nous et nous avons investi les réseaux sociaux. Sans nous plaindre, ni nous apitoyer, mais en montrant la galère que nous vivions.  

À l’annonce du handicap de notre fille, nous nous sommes retrouvés complètement seuls, sans que personne ne prenne le temps de nous expliquer ce qui nous attendait… Finalement, tout ce que l’on a créé au sein des Bobos à la ferme, c’est une réaction à tout ce que l’on n’a pas eu pour notre fille et que nous aurions aimé avoir.

Votre projet est à la fois innovant et très simple … Concrètement, que proposez-vous ?

Notre objectif est de simplifier la vie des familles aidantes pour qu’elles puissent partir en vacances avec leur enfant, comme tout un chacun. Aujourd’hui, pour un aidant qui veut partir en vacances, c’est le parcours du combattant et souvent des mois d’attente. Ce n’est plus acceptable. Il doit pouvoir partir en vacances dans des lieux dits ordinaires, et c’est ce que nous proposons dans chacun de nos quatre gîtes. Nous y recevons aussi bien des touristes qui ignorent notre spécificité que des personnes avec des handicaps très lourds. Pour ces personnes, ce qui fait la différence entre un séjour ordinaire et un séjour adapté, ce sont les prestations que nous gérons pour elles : suppléance de l’aidant, organisation d’activités, location de matériel médical, soins…

Et pour l’aspect financier, comment aidez-vous les familles ?

Le premier répit doit être administratif. C’est pourquoi nous accompagnons les familles pour mobiliser du financement. Nous aidons les parents sur les demandes d’aides et nous cherchons à mettre en place des partenariats avec les organismes pour simplifier les démarches. C’est le cas par exemple avec l’ANCV qui nous confie une enveloppe financière pour que les familles n’aient pas de démarches à faire.

Que proposez-vous d’autres ?

Beaucoup de familles du territoire nous sollicitaient pour avoir des informations, du soutien. C’est pourquoi nous avons formalisé notre accompagnement en créant un pôle parents aidants, fréquenté aujourd’hui par une centaine de familles. Nous organisons aussi depuis 2018 les journées des aidants, qui s’adressent aux professionnels et aux familles. Nous avons enregistré plus de 250 participants l’an dernier. Pour les Bobos à la ferme, ce pôle parents aidants représente un véritable ancrage territorial.

Nous avons prouvé que c’était possible, même sans financement pérenne.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Nous travaillons actuellement à l’essaimage du concept des Bobos à la ferme. Nous sommes en train de concevoir une formation pour créer un label Bobos à la ferme à destination des porteurs de projets qui sont nombreux à nous solliciter. Et à l’horizon 2025, nous avons l’objectif d’ouvrir un second site, dans le département de la Somme.

Pourtant, lors de notre création et jusqu’en 2019, on nous prenait pour des doux dingues ! Aujourd’hui, nous avons une structure qui fonctionne pour un budget raisonnable et qui est duplicable, des études d’impact, des témoignages de parents, des salariés, une reconnaissance territoriale… Nous avons prouvé que c’était possible, même sans financement pérenne. Voilà le message que j’aimerais faire passer : faites-nous confiance pour aller encore plus loin ! »