« L’entreprise est un acteur essentiel de la prévention des addictions »
Un village digital de prévention des addictions : tel est le concept innovant imaginé par le Groupe AGRICA en partenariat avec la MSA d’Ile-de-France. Alors que Consoville – c’est son nom – est encore en expérimentation auprès d’un panel d’entreprises, Jean-Marc Abergel, ingénieur social de l’équipe LISA *, nous explique en quoi ce dispositif a pour ambition d’aider les entreprises à comprendre et éviter les comportements addictifs de leurs salariés.
Pouvez-vous nous présenter Consoville et la genèse du projet ?
À l’occasion du mois sans tabac, qui se déroule chaque année en novembre, la MSA Ile-de-France nous a sollicités pour mettre en place une action de prévention. Ensemble, nous avons rapidement décidé d’aller plus loin et d’aborder toutes les addictions, avec un outil déployable dans plusieurs entreprises en même temps et qui s’adresse à un maximum de salariés. Nous avons alors eu l’idée de bâtir un village digital, un lieu virtuel que le salarié peut visiter et où il peut suivre des conférences, regarder une pièce de théâtre, participer à une séance de sophrologie, etc., au gré de ses envies ou de ses besoins. C’est une démarche de prévention très innovante sur la thématique compliquée des addictions.
Avec ce village digital, nous souhaitons attirer aussi bien les salariés curieux, qui veulent s’informer, que ceux concernés par les addictions - pour eux-mêmes, un proche, un collègue - et qui vont pouvoir accéder à des contenus adaptés à leur situation, sans que leur visite ne soit stigmatisante. Car derrière son avatar, le personnage virtuel qu’il utilise pour se déplacer, le salarié reste anonyme.
Quels sont les objectifs de Consoville pour les salariés ?
Il faut en général du temps pour qu’une personne s’installe dans une véritable addiction, parfois même des années pendant lesquelles elle va dissimuler et ainsi renforcer de manière invisible sa pratique addictive. L’objectif de Consoville est d’ouvrir le dialogue avec elle, de modifier son propre regard sur son comportement et de lui apporter des ressources et des réponses. En matière d’addiction, plus la personne peut en parler autour d’elle, moins elle se cache et considère cela comme honteux. Elle a ainsi plus de chances de sortir de cette situation de dépendance.
Il faut en général du temps pour qu’une personne s’installe dans une véritable addiction.
Et pour l’entreprise ?
L’entreprise est un acteur essentiel de la prévention des addictions, à condition qu’elle sache se doter d’un vrai plan d’actions préventif, ce qui est très complexe à faire. Les dispositifs sont rarement mis en place en amont. Quand le salarié arrive de plus en plus en retard, quand il ne travaille plus comme avant, quand son comportement se modifie, l’employeur va alors essayer de l’aider, mais il est souvent déjà trop tard.
C’est pourquoi le village Consoville a pour objectif de faire prendre conscience à l’entreprise du rôle qu’elle peut jouer en tant qu’acteur de la prévention, mais aussi des bénéfices qu’elle peut en retirer, en agissant sur son taux d’absentéisme par exemple. Les entreprises qui nous accompagnent aujourd’hui dans l’expérimentation ont d’ailleurs été sensibles à ces arguments.
Avez-vous pu mesurer les premiers retours de cette expérimentation ?
C’est encore prématuré. À ce stade, nos objectifs sont partiellement atteints. Le dispositif a été jugé très pertinent et a reçu un bon accueil mais la fréquentation du village par les salariés est en deçà de nos attentes. Bien qu’elle soit aujourd’hui largement plébiscitée par les politiques publiques, la prévention n’a pas encore trouvé sa place dans l’entreprise. Les salariés sont encore trop souvent invités à suivre les dispositifs en dehors de leurs horaires de travail. Ce sont des évolutions qui prendront du temps.
Les entreprises intéressées par Consoville peuvent-elles vous contacter ?
Il n’est pas possible d’intégrer de nouvelles entreprises à l’expérimentation en cours mais les entreprises intéressées peuvent se manifester auprès de l’équipe LISA pour faire partie d’une prochaine campagne. Je rappelle par ailleurs que l’équipe LISA est à la disposition des entreprises qui sont confrontées à une problématique d’addiction et qui souhaitent être accompagnées. Nous pouvons leur proposer des solutions à la carte, en présentiel. Il suffit pour cela de nous contacter.
*LISA, le laboratoire d’innovation sociale d’AGRICA a pour mission d’apporter aux entreprises des dispositifs de prévention santé adaptés aux besoins de leurs salariés. Risques psychosociaux, troubles musculosquelettiques, addictions… : les chargés de prévention de LISA co-construisent avec les entreprises et partenaires sociaux une démarche ciblée de prévention en s’appuyant sur des outils qui ont fait leur preuve ou en recherchant des solutions innovantes.
Pour contacter LISA : prevention.blf@groupagrica.com
À la bibliothèque : des conférences sur les dernières découvertes en neurosciences pour gérer ou arrêter les addictions.
Au centre de santé : un lieu pour échanger et obtenir des conseils de la part de professionnels.
À la gare : série de films, vidéos, interviews et articles sur de nombreuses thématiques en lien avec les addictions avec ou sans produit.
À l'école : des exercices de sophrologie pour combattre les addictions, arrêter de fumer, gérer le stress ou retrouver un sommeil réparateur.
Au théâtre : un spectacle de one-man show dans lequel Marc Susbielle dévoile avec humour son parcours pour arrêter de fumer.
Sur la place du village : l’escape game AddicTown, où le joueur enquête avec le shérif et découvre ce qui trouble cette petite ville. Également à sa disposition : un cabinet d’experts pour apporter précisions et éclaircissements après chaque réponse et deux tests pour analyser en ligne sa consommation et son risque de dépendance.
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