Vieillir en solo : « ne renonçons jamais à attendre quelque chose des autres… »
Comment vivre seul, en bonne intelligence avec soi-même… et avec les autres ? Entre solitude choisie et solitude subie, Emma Ould Aoudia s’interroge sur notre conception de l’autonomie et sur notre interdépendance à l’occasion d’une conférence proposée par le Groupe AGRICA.
Dans le cadre de son cycle de conférences et ateliers autour du bien vieillir (1), l’action sociale du Groupe AGRICA a organisé en janvier dernier une conférence en ligne sur le thème « vieillir en solo ». Celle-ci était animée par Emma Ould Aoudia(2) qui rappelait, en préambule, que la société ne pose pas sur la solitude un regard toujours flatteur. De ce fait, il existe souvent une certaine pudeur à se dire seul. Divorcé, veuf, célibataire : la situation est parfois difficile à énoncer, et ce d’autant plus que nous ne sommes pas toujours parents ou grands-parents.
Des besoins non satisfaits
« Si vieillir est une aventure personnelle, explique Emma Ould Aoudia, vieillir en solo en est une aussi ! Et comme toute aventure, elle comporte un héros, une quête, des péripéties, des compagnons de route… Mais attention à ne pas en devenir le super-héros ! Car notre capacité à nous adapter nous amène parfois à nous sur-adapter…»
Dans ces conditions, comment repérer à quel moment la solitude se transforme en l’un des facteurs les plus délétères pour la santé, à savoir l’isolement ? La question est complexe car elle recèle un véritable paradoxe de notre imagerie collective : d’un côté la solitude choisie, synonyme de liberté et d’affirmation de soi, de l’autre la solitude suspecte, dangereuse pour la communauté et la cohésion sociale. Dans tous les cas, elle fait du solitaire un être hors-norme.
« Il y a une grande différence entre être seul et se sentir seul, analyse Emma Ould Aoudia. Une personne se sent seule quand certains de ses besoins ne sont pas satisfaits, que des équilibres sont à rechercher. »
Le mythe de l’autonomie
Dans un environnement social qui valorise le couple, comment faire pour cheminer en solo de manière sereine ? Pour Emma Ould Aoudia, il faut sortir du mythe de l’autonomie.
« L’autonomie est un magnifique levier pour exister par soi-même. C’est une dynamique vertueuse qui nous propulse en termes d’apprentissage. Mais c’est un processus, un élan et non une fin en soi. Peut-être faut-il accepter que l’autonomie ait ses limites et reconnaître que nous sommes tous interdépendants… ? »
Si, de prime abord, l’idée dérange, la conférencière la présente comme une piste de réflexion très sérieuse pour éviter le risque d’épuisement de la personne seule, confrontée à l’injonction de paraître volontaire et vaillante, qui craint d’être considérée comme vulnérable si elle reconnaît avoir besoin des autres.
"Mettons fin au fantasme de ne surtout pas déranger !
Faire communauté
« Je ne veux pas être une charge, je ne veux pas déranger : voilà ce que j’entends souvent, ajoute-t-elle. C’est comme si nous voulions dispenser nos enfants d’être présents quand nous en aurons besoin. Et si l’un de nos derniers actes d’éducation était justement de les initier au fait que nous sommes des êtres finissants ? C’est lié à notre condition humaine d’être là les uns pour les autres…»
Face à la solitude, il reste à trouver les clés pour « faire communauté », se sentir utile, se relier aux autres… et accepter de lâcher prise.
« Nous pouvons nous sentir un peu en panne sur ces questions-là, conclut Emma Ould Aoudia, mais n’oublions pas que nous sommes des êtres d’évolution, d’adaptation et d’acceptation. Mettons fin au fantasme de ne surtout pas déranger et rendons plus explicites nos attentes. Et surtout, ne renonçons jamais à attendre quelque chose des autres… ».
(1) La conférence « vieillir en solo, une aventure personnelle » fait partie du cycle de conférences et ateliers gratuits organisés en distanciel en 2024 par le Groupe AGRICA. Comme chaque conférence du cycle, elle est suivie d’ateliers où toutes les questions et points clés abordés pendant la conférence viennent nourrir la réflexion individuelle, dans une démarche collaborative et positive.
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(2) Conférencière et formatrice, Emma Ould Aoudia intervient régulièrement dans les séminaires « Bien vieillir » organisés par le Groupe AGRICA. Elle est cofondatrice de l’association Trame de vie qui œuvre depuis 2014 à retisser la trame du tissu social, indispensable pour faire société.
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